Agora des quartiers, parole libre, parole citoyenne !

​Le 23 avril dernier, la caravane du collectif AC le Feu a fait un stop à Perpignan, au Bas-Vernet et à Saint Jacques. L'équipe de Clichy-sous-Bois sillonne la France à bord d'un minibus, installe son barnum et propose aux passants, habitants du quartier ou non, de venir débattre sur des thématiques liées à la vie collective qui les touchent au quotidien. Un espace sans jugements de valeur où chacun peut exprimer ses idées avec ses mots, son vécu, ses opinions....

C'est grâce à l'’association Citoyens des Quartiers Populaires de Perpignan (http://www.cdqpp.fr/), en lien avec le collectif AC le Feu depuis plusieurs années, qu'un passage par Perpignan a pu être organisé, les deux structures menant des réflexions et actions communes autour de la question de la place des citoyens des quartiers populaires dans la ville.
 
AC le feu s'est crée en 2005, suite à la mort de Zied et Bouna, deux jeunes entrés dans un site EDF à Clichy-sous-bois, pour fuir un contrôle de police. Cette disparition tragique, doublée d'un fort sentiment d'injustice, avait déclenché trois semaines de révoltes dans les quartiers populaires français, avec une déclaration d'état d'urgence. Depuis, chaque année, le collectif réalise un tour de France, pour sensibiliser les habitants à l'importance de l'implication dans la vie collective.
 
Mohamed Mechmache, porte-parole du collectif nous explique : « Notre démarche était d’apporter, après tout ce qu’il s’était passé, une réponse politique, au bon sens du terme. Tout simplement parce que énormément d’hommes ou de femmes politiques à l’époque avaient tout de suite qualifié ce qu’il s’était passé en  2005 d’émeutes, sans signification, que les gens avaient cassé ou brûlé pour se faire plaisir, que c’était à cause de la polygamie, à cause de la démission des parents, à cause du rap. Sans se poser les bonnes questions mais en cherchant un coupable. Sans se poser la question de savoir s’ils n’étaient pas responsables des politiques menées ces trente dernières années dans ces quartiers. Donc nous on a décidé de faire un tour de France avec des cahiers de doléances et de redonner la parole à ceux qui ne l’ont plus depuis très longtemps.  Et de réveiller les consciences en disant « Soyez acteurs et auteurs de votre vie et arrêtez que d’autres le fassent à votre place. Sachant qu’on a très bien compris que ceux qui étaient censés le faire ne l’ont pas fait. Qu’est-ce que vous en tant qu’habitants vous décidez de faire pour que les choses changent ? »

Mohamed Mechmache souligne une réelle prise de conscience depuis ces dix dernières années, illustrée par la création de la coordination « Pas sans nous » (http://passansnous.fr/), forme de syndicats des quartiers qui regroupe entre 200 et 300 associations. Elles  dépassent aujourd'hui l'utilité de service public et politisent leur combat en interpellant les responsables politiques sur des sujets dont ils devraient se saisir.
 
Pour cette agora des quartiers, un questionnaire « paroles de citoyens, nos quartiers ont de la gueule » était soumis aux habitants, dans lequel ils devaient choisir des thématiques prioritaires selon eux, exprimer les problèmes et les solutions à apporter. L'analyse de ces questionnaires sera la base de la rédaction d'un manifeste qui servira notamment à interpeller en 2017 les présidentiables.
 
Sabrina, volontaire de l'équipe du collectif AC Le Feu nous explique les raisons de son implication dans le projet : « Je suis investie au sein du collectif depuis 3 ans, sur différents projets et ce tour de France paraissait important pour moi parce que j’ai suivi l’histoire et en 2006, il y a déjà eu un premier tour de France qui a amené à la constitution des cahiers de doléances. Et je me suis dit « Là on repart 10 ans après ». L’idée est aussi de faire une comparaison. « 10 ans après, qu’en est-il ? » C’était donc important pour moi de participer et de rencontrer des gens, pouvoir répondre aux questions, débattre avec les personnes et savoir en 2016, ce que pensent les gens et connaître leurs priorités. »

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​Des témoignages divers, éventail des préoccupations des habitants

Un habitant évoque des clivages de plus en plus forts entre les quartiers, dont il regrette l'illustration dans les urnes. Il souligne le besoin de proposer des lieux ouverts et visibles, où l'expression et le débat sont possibles, pour que la parole soit sur la place publique.

Aziz, commerçant très investi dans la vie de ce quartier, il témoigne : « Saint Jacques est comme un village. À Saint Jacques, on a le cœur qui bat. On a le centre-ville qui est mort. Mais nous, on a le cœur qui bat...Il y a de la vie. Il y a de la convivialité... ». Il insiste sur l'importance de la mobilisation et de l'expression des habitants autour des problématiques qui touchent le quartier, comme par exemple la lutte contre l'insalubrité des logements ou le problème de déscolarisation des enfants, pour que d'autres ne décident plus à leur place.

Nadia, de Citoyens des Quartiers Populaires,  explique très justement que l'association travaillait au départ pour inciter les habitants à s'inscrire sur les listes électorales et à voter.  Leur équipe s'est rendue compte que, certes, le vote est un acte citoyen mais qu'il fallait aussi mettre en garde les habitants contre le clientélisme, parfois entretenu par les habitants mêmes. Ne plus raisonner en se disant que le vote nous donnera accès à un emploi ou un logement, ou un retour quel qu'il soit.  « Se dire que nous ne voulons plus ça mais une égalité pour tous ! »

Mohamed Mechmache en profite pour souligner l'importance de voter, mais aussi d'aller plus loin en se présentant sur des listes citoyennes et cite des exemples de succès électoraux en Seine Saint Denis ou encore à Sarcelles. Pour lui, l'investissement dans le domaine associatif et l'engagement dans le champ politique aussi sont primordiaux afin de peser dans le débat politique.

« Ils préfèrent acheter la paix sociale. Ils préfèrent nous endormir. Nous laisser à tenir des murs. À nous dire « Faites ce que vous faites, ne venez surtout pas vous occuper de la politique. On vous envoie au ski, on vous envoie au cinéma, on vous envoie au bord de la mer. C'est gratuit. Mais ne nous emmerdez pas. » Il faut se dire la vérité. Il faut que l'on arrête d'être complices de tout ça. Alors soit on se réveille, soit on se prend en main. On se dit qu'on est assez nombreux pour pouvoir changer les choses. Ou bien on reste sur le côté mais on arrête de se plaindre. On ne pourra pas changer les choses si on est constamment dans la contestation. Ou bien, on  conteste mais on est force de proposition. Et on se bat pour ça. Justement quand je parlais tout à l'heure du droit d'aller voter, c'est aussi d'aller constituer ces listes. Et de voir si en même temps, on va être solidaires. Parce qu'encore une fois, des fois, il faut arrêter d'aller chercher le coupable chez les autres. Des fois, nous-mêmes on  est coupables. Parce qu'on n'est jamais capables de se mettre d'accord. »
 
Après cette journée riche en contenus et en débats citoyens, avait lieu à l'Institut Jean Vigo (Casa Musical à Perpignan) la projection du film « Ils l'ont fait ».
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Khalifa Kamara, jeune Français d’origine sénégalaise radié de Pôle Emploi, prend conscience de son impossibilité d’évoluer et décide de se présenter aux élections municipales  de sa ville afin de prendre son destin en main et de s’engager pour changer la vie des gens du quartier soumis au même sort que lui.
Il devra réveiller leur conscience politique et les convaincre que son projet est réalisable, mais aussi déjouer jusqu’au bout les pièges du maire sortant, un certain Jacques Adie, installé depuis des décennies aux commandes de la ville.
Khalifa, chômeur de longue durée, devient alors le héros de ce film, dans lequel il nous embarque pour une aventure contemporaine : un braquage de plusieurs centaines de milliers d'Euros sans arme, ni otage mais juste la démocratie !!!!
 
Retrouvez très bientôt en vidéo le reportage de cette journée « agora des quartiers » !